Article de Michel FACON paru dans la revue LA TEMPÉRANCE*
Après la parution de mon ouvrage : "l’Alcool, toi, moi et les Autres", je peux dire que le chapitre consacré à l’utilisation de la PNL (Programmation Neurolinguistique) en alcoologie est un de ceux qui ont suscité le plus de réactions -enthousiastes ou critiques !
Pourquoi ?
Parce que la PNL s’intéresse davantage aux résultats qu’à la théorie ? Parce qu’elle introduit de nouvelles données et que les notions nouvelles demandent toujours du temps avant de se faire admettre. Parce que, grâce à cette technique, des problèmes peuvent être solutionnés avec une grande rapidité -par rapport à d’autres thérapeutiques- et cela, sans souffrance ?
Autant de réponses possibles... Toujours est-il que convaincus de l’intérêt de cette pratique, Michel FACON et moi-même avons décidé, par le support de la revue :
d’apporter une information précise et la plus concrète possible sur les moyens utilisés et les résultats obtenus.
d’ouvrir le débat sur cette pratique.
Elisabeth FRIT
Si "Établir le rapport" est une condition indispensable de la réussite d’une thérapie menée avec une personne alcoolique, elle l’est aussi pour toute autre problématique. Vous pourrez le comprendre aisément en lisant le texte de Michel FACON qui rappelle ici des notions clefs de la PNL :
telle que la notion d’Objectif (pour le praticien en psychothérapie formé à la PNL et pour le patient), la notion de "flexibilité" et de "congruence" nécessaires au praticien en psychothérapie formé à la PNL et certains présupposés tels que :
Il n’y a pas de communication sans influence mutuelle des interlocuteurs.
En PNL, il n’y a pas de patients qui "résistent", il y a seulement des praticiens en psychothérapie qui n’ont pas encore trouvé la bonne manière de communiquer efficacement. Ce n’est pas le patient qui est en cause, mais le praticien.
Argumenter d’entrée de jeu avec un "alcoolique" n’est pas la bonne méthode ; moraliser est la pire des erreurs ; lui faire peur en brandissant les conséquences somatiques de ses alcoolisations est rarement -très rarement - une bonne solution ; lui reprocher le mal qu’il fait dans son entourage n’est pas non plus très judicieux... C’est lui prêter gratuitement des intentions qu’il n’a pas. Il en souffre déjà beaucoup plus que vous ne le pensez, même s’il ne vous le montre pas. D’ailleurs dans quel but continuer à le faire souffrir ? A quoi bon ? A quoi bon continuer à faire, encore et encore, ce qui n’a pas marché jusqu’ici ? Lui dire d’arrêter de boire ? Il l’a déjà entendu des milliers de fois dans son entourage, avec ses amis, son médecin... Alors, dans quel but le rabâcher ? Si ça n’a pas donné de résultats jusqu’ici, ça n’en donnera pas davantage maintenant et dans le futur. Vous avez "tout essayé" et ça n’a pas marché ? Alors il est grand temps de faire autre chose. Pourquoi faire "plus de la même chose" quand on sait que cela va donner "plus du même résultat" ? (WATZLAWICK)
Face à "l’alcoolique", le praticien en psychothérapie formé en PNL a des priorités. Il se doit de se demander "quel est mon objectif ? Qu’est-ce que je veux obtenir ? Quel est l’objectif de mon interlocuteur ?" Et la priorité des priorités, c’est-à-dire l’objectif à très court terme, c’est d’établir un rapport de confiance mutuelle.
Établir le contact, se mettre sur la même longueur d’onde, au diapason, adopter la même perspective que l’alcoolique est un processus INCONTOURNABLE. Tout se passe comme si alcoologue et "alcoolique" étaient dans une même bulle à ceci près que l’alcoologue doit aussi être capable de se situer mentalement hors de la bulle. Installer la relation ou le rapport, c’est créer l’harmonie, la conformité, l’accord, l’affinité, l’alignement... Les interactions (alcoologue/"alcoolique") constituent un système à deux éléments et seul le praticien en psychothérapie formé à la PNL porte l’entière responsabilité de faire évoluer le système vers l’objectif voulu. Dés le moment où commencent les échanges entre les interlocuteurs, il est impossible de ne pas influencer son vis-à-vis. D’où l’importance de répondre à la question posée plus haut : "qu’est-ce que je veux obtenir de mon patient ?" C’est la capacité d’adaptation du praticien en psychothérapie formé à la PNL qui est mise ici à l’épreuve. C’est à lui de se donner la meilleure chance d’arriver au résultat visé avec son patient. Cette souplesse d’adaptation est ce que l’on nomme en PNL : FLEXIBILITÉ.
Tout changement dans un des éléments du système (praticien en alcoologie-"alcoolique") provoque une réaction de l’autre élément et le système dans son ensemble adopte un autre équilibre. Qu’appelle-t-on "changement" (dans la vision PNL) ? Le changement est une différence : différence de posture, de ton de voix, de volume de la voix, de débit de parole, de couleur du visage, de mobilité des muscles, de respiration, etc... Ces changements sont captés consciemment ou inconsciemment par l’interlocuteur qui réagit d’une manière ou d’une autre. Un changement est une différence introduite au niveau d’un des paramètres qui entrent en jeu lorsque deux personnes communiquent. Au fil de l’entretien, le système évolue et de changements en changements, il passe d’un état à l’autre. Le rôle de l’alcoologue est d’intervenir afin que le système évolue vers la confiance mutuelle.
Le praticien an alcoologie se doit de rencontrer "l’alcoolique" sur son propre terrain et pour ce faire, il lui faut s’accorder avec l’expérience momentanée de son vis-à-vis.
Établir le rapport c’est être ou devenir comme l’autre personne afin de capter son attention. C’est aussi faire en sorte que l’autre finit par vous aider à l’aider. C’est accompagner l’autre dans son humeur, refléter son langage du corps, respirer au même rythme que lui, parler un langage visuel s’il est visuel, auditif s’il est auditif, ou kinesthésique si telle est la nécessité. C’est encore parler au même rythme, avec la même intonation, employer son vocabulaire le plus courant, etc... C’est accepter ses croyances, ses valeurs, sa "carte du monde" pour comprendre ce qu’il vit.
Pour installer le rapport, il faut se souvenir que les gens aiment que l’on soit comme eux. Dans un premier temps, le praticien en alcoologie s’accorde avec les différents paramètres énoncés plus haut. Il convient que le praticien en alcoologie s’accorde d’abord avec son patient pour amener ensuite ce dernier à s’accorder avec lui. C’est d’abord accompagner son patient avant de tenter de conduire l’entretien. Le message que reçoit alors "l’alcoolique" est de cet ordre : "je suis comme toi, nous parlons le même langage, tu peux me faire confiance". Message d’acceptation par lequel on montre à l’autre que l’on partage son expérience du moment. C’est se synchroniser sur l’autre. Le but de cette synchronisation avec l’autre c’est de le conduire là où l’on veut le conduire en validant ce que l’autre sait déjà être vrai pour lui. Ce n’est qu’ensuite, à la phase où le praticien en alcoologie conduit l’entretien, qu’il pourra amener son patient à accepter d’autres options. L’erreur qui est souvent faite est de croire qu’il est possible de convaincre les gens de quelque chose qu’ils ne croient pas.
Au cours d’un entretien, il est plus facile d’aller de l’accord avec l’accord que du désaccord vers l’accord. D’où la séquence obligée : se synchroniser d’abord, puis conduire.
se synchroniser, c’est faire quelque chose d’identique à l’autre personne.
conduire, c’est faire quelque chose de différent.
Mais avant de conduire l’entretien, il convient de s’assurer que le rapport est installé, c’est-à-dire de le vérifier. Le test est simple, mais encore faut-il le faire. Comment tester ? Lorsqu’il pense que le rapport est en place, le praticien en alcoologie change un des paramètres de la communication (posture par exemple, ou ton de voix...) et vérifie si "l’alcoolique" change dans le même sens. S’il le fait, c’est que le rapport est installé. Dans ce cas, c’est lui qui se synchronise spontanément sur le praticien en alcoologie. S’il ne le fait pas, cela veut simplement dire que le praticien en alcoologie doit continuer à se synchroniser. Dès que le contact est établi, il convient de le maintenir et de repérer lorsqu’il vient à faire défaut. La séquence "synchroniser - tester - conduire" est le moyen par lequel le praticien en alcoologie s’assure que la confiance est en place. C’est seulement après cette phase qu’il va aider son patient en utilisant les "outils" de la PNL.
Établir le rapport implique donc que le praticien en alcoologie sache observer, c’est-à-dire écouter et regarder son interlocuteur lorsqu’il lui pose une question. C’est la réaction (verbale ou non-verbale) de "l’alcoolique" qui montre au praticien ce qu’il a voulu dire. Poser une question, observer la réponse du vis-à-vis, s’adapter à la réponse et l’utiliser dans la question suivante : tel est le processus constant qu’emploie le praticien au cours de l’entretien. Ce processus, par lequel on utilise sans cesse la réaction du vis-à-vis, se nomme la "communication réactive". Il implique l’observation, certes, mais aussi l’adaptation à ce que l’on vient d’observer (le feed-back). Cette adaptation au feed-back, c’est la flexibilité. "Je ne comprends vraiment ce que j’ai voulu dire que lorsqu’on m’a répondu", Norbert WIENER.
Lorsque nous communiquons avec une autre personne, nous émettons beaucoup plus de choses que nous ne le pensons. Et nous captons aussi beaucoup plus de choses que nous le pensons. Ceci est vrai pour les deux protagonistes. Au cours de sa formation, le praticien PNL est entraîné à mieux percevoir les réactions émises par son interlocuteur et à rendre conscientes des réactions, qui auparavant, ne l’étaient pas.
Mais si le praticien en alcoologie est censé capter consciemment plus d’informations que son patient, il convient de se souvenir que ce dernier capte, lui aussi, les réactions de l’alcoologue. Il convient alors que le praticien en alcoologie soit CONGRUENT, c’est-à-dire que ses messages verbaux s’accordent avec ses messages non-verbaux. Car, s’il y a incongruence, "l’alcoolique" le capte et réagit en fonction de cette incongruence. Les bonnes intentions de l’alcoologue ne suffisent pas pour établir le rapport. Il lui faut une technique. Le rapport n’est pas un état, c’est un processus et à ce titre, il doit être mis en place et entretenu. Il convient aussi de savoir comment le rétablir lorsqu’il vient à être déficient.
Bien entendu, quand le praticien en alcoologie est en face de celui que l’usage nomme "alcoolique", c’est le plus souvent avec la Partie Sobre (PS) qu’il communique. C’est donc avec elle qu’il établit le rapport. La Partie Alcoolique (PA), elle, est absente de l’entretien. Le lecteur de LA TEMPERANCE se souviendra de la dissociation séquentielle. Établir le rapport avec PS c’est accepter dans un premier temps l’expérience de PS. Un excellent rapport avec PS facilitera plus tard le rapport avec PA, lorsqu’il faudra communiquer avec ce dernier. Si PS est critique à l’égard de PA, il convient de reformuler ses critiques, quoi qu’on en pense ! "L’alcoolique" n’est pas en train de se blâmer : c’est PS qui blâme PA. Or, blâmer une partie de soi-même est un comportement. Le praticien en alcoologie se doit de mettre l’accent sur les FAITS, s’abstenant de juger ou de donner ses opinions. Il est plus efficace de considérer que si PS blâme PA c’est sur la base d’excellentes intentions.
Reformuler ne veut pas dire "être d’accord", cela veut dire rester "en accord" afin de ne pas rompre le rapport. Reformuler c’est montrer que l’on a écouté attentivement ce que dit ici PS. Dans tous les cas de figure, il convient d’abord de rejoindre PS dans son modèle du monde (et non de lui imposer, même en douceur, le nôtre !)
Pour le praticien PNL, il n’y a pas "d’alcooliques" qui "résistent", il n’y a que des praticiens qui n’ont pas encore trouvé le moyen de communiquer efficacement.
Le lecteur pensera à juste titre que pour établir le rapport il faut penser à beaucoup de choses en même temps. C’est vrai, mais ces compétences s’apprennent aisément. La synchronisation avec l’autre est un outil d’une puissance insoupçonnée. Se synchroniser c’est diminuer les différences avec l’autre et augmenter les similarités. C’est jeter un pont solide entre soi et l’autre et c’est aussi envoyer une sorte de message d’amour...
A propos d’amour, laissez-moi vous raconter un charmant épisode de ma vie personnelle. Lorsqu’on m’a enseigné les principes de la synchronisation j’étais plutôt sceptique... Le soir même, nous avions quartier libre et j’avais donné rendez-vous à mon amie. Nous sommes allés dîner dans une excellente pizzeria de la Vallée de Chevreuse et là, j’ai mis en oeuvre la technique enseignée avec mon amie. J’étais attentif à sa posture, ses gestes, son vocabulaire, ses intonations et à tous ces paramètres qui font la communication entre deux êtres. Je reflétais fidèlement tout ce que je pouvais, y compris son rythme respiratoire... ; en veillant bien à ne pas la singer. Nous avions à peine entamé le plat de résistance que j’ai testé : je me suis levé d’un seul coup en disant : "bon ! on y va ?" A mon grand étonnement, elle s’est levée elle aussi ! Une fois assis à nouveau tous les deux, j’ai continué à me synchroniser sur elle... Un peu plus tard, sur le chemin du retour, elle m’a confié qu’elle avait passé une soirée merveilleuse... Je dois avouer que moi aussi !
J’avais été tout à elle et... elle me l’a bien rendu.
Derrière la magie apparente des interventions de PNL, il y a toujours cette technique sophistiquée qui consiste à établir le rapport avec l’autre. Le rapport est la priorité des priorités. Michel FACON.
LEXIQUE : Le rapport : Il est essentiel en PNL car il permet d’établir un climat de confiance. Il est obtenu par des procédés spécifiques de synchronisation verbale et non verbale... Flexibilité : C’est l’aptitude à remettre en cause et à ajuster son comportement en fonction de ses objectifs. Congruence : C’est la faculté d’être en accord avec soi-même et de manifester cet accord dans le comportement et la manière d’être que l’on adopte.
La revue LA TEMPÉRANCE a édité une suite d’articles sur PNL et Alcoologie.
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