Recadrage des états dissociés, alcoolisme, toxicomanie...4

Dans cet article paru en français dans le numéro 22 de LA TEMPERANCE, John GRINDER et Richard BANDLER exposent la manière d’effectuer un recadrage chez les personnes souffrant d’état de sévére dissociation. Initialement publié dans le livre "Reframing" ce passage met l’accent sur une manière tout à fait originale d’aborder les problèmes d’alcoolisme et de toxicomanie. Nous touchons là à une partie extrêmement méconnue du travail des deux fondateurs de la PNL.

Ce texte est le quatrième d’une série d’articles parus dans les numéros 19 à 23 de LA TEMPERANCE. Il est reproduit ici dans son intégralité tel qu’il a été publié en octobre 1996.

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Intervenante : J’ai un client qui s’est retrouvé amnésique pour tout ce qui précède un incident qui lui « est arrivé « et où il s’est retrouvé en train de contempler l’intérieur du canon d’un fusil, le doigt sur la gâchette, prêt à faire feu. Il est totalement amnésique, il a oublié toute sa vie avant cet instant précis. Comme vous vous en doutez certainement, il sort d’un milieu familial absolument abominable. Il possède également une grande expérience de la dissociation, ayant été lui même alcoolique pendant très longtemps. C’est maintenant une personne sobre et un membre actif des A.A...

Je pense que la situation dont vous nous parlez maintenant est du même type que la précédente. Et que recherche-t-il au travers de sa thérapie ?

Intervenante : Et bien, son but avoué est de recouvrer la mémoire.

Ce genre de but dans l’existence me rappelle tout à fait certains contes de fées de mon enfance. Quand j’étais petit, mes parents avaient l’habitude de me lire des contes de fées lorsque je devais aller me coucher. J’étais l’aîné de neuf enfants et ces grandes séances de lecture familiales étaient un très grand plaisir. C’était là un bien agréable rituel. Il y avait un genre d’histoire parmi toutes celles que mes parents me racontaient, qui me rendait complètement dingue. C’était l’histoire d’un personnage qui se promenait dans une forêt un beau jour. Tout à coup, il rencontrait une créature magique dont la longue barbe s’était prise accidentellement dans un arbre tombé au sol. Je ne parvenais pas à m’imaginer quelle sorte de créature magique serait assez sotte pour se laisser coincer la barbe sous un tronc d’arbre..! Bref, le personnage allait sauver la créature magique et celle-ci pour le remercier lui disait alors : « Tu disposes maintenant de trois voeux que tu peux utiliser à ta guise « . Le personnage de l’histoire allait ensuite immanquablement les gaspiller. Immédiatement, il s’exclamait : « Je veux vivre dans l’or ! « Aussitôt, c’était la catastrophe, tout son environnement, arbres, champs maisons, animaux et même les gens qu’il aimait allaient être inexorablement anéantis parce que totalement recouverts d’une couche épaisse d’or pur. Ce genre d’histoire est une métaphore parfaite pour imager la nécessité vitale de vérifier la justesse écologique des souhaits ou solutions de remplacement proposées par un sujet lorsqu’on construit avec lui le schéma de son recadrage. Le personnage de mon histoire oublie complètement les conséquences secondaires de son souhait. Il n’en spécifie ni le contexte ni la procédure ; il ne fait que nommer, dans le vague et dans l’absolu, un souhait. L’accomplissement de ce souhait se révèle bien plus désastreux que sa situation antérieure. Par conséquent, notre personnage va alors utiliser son second voeu pour annihiler les effets du premier. Pour couronner le tout, il va alors s’exclamer fort imprudemment : « je souhaiterais n’avoir jamais rencontré cette créature « et par là même, gâcher son dernier voeu. Il avait ainsi bousillé ses trois voeux et se retrouvait à la fin de l’histoire gros Jean comme devant... Bien souvent la demande que formulent les gens quand ils viennent en thérapie ressemble beaucoup à cette histoire. Ils demandent quelque chose, mais sans en apprécier les conséquences dans leur contexte personnel ou dans le contexte familial dans lequel ils sont impliqués. Aussi, dans votre position l’une des manières de procéder que je pourrais adopter serait de me conduire de façon prétendument naïve. J’agirais comme si je prenais sa demande tout à fait au sérieux, et je m’arrangerais pour qu’il puisse se retourner sur lui-même et se rappeler juste quelques petites choses. Tout d’abord, j’ancrerais solidement l’état amnésique. Ensuite, j’induirais une transe dans laquelle je serais certain de pouvoir induire l’amnésie. Je lui demanderais, alors, de demeurer dissocié de façon qu’il puisse, en quelque sorte, voir les choses qui se passent, de l’extérieur de lui même et ne s’y sente pas impliqué, kinesthésiquement parlant. Puis, je demanderais à son inconscient de sélectionner trois incidents, tirés de son histoire personnelle : un carrément agréable, un pas si agréable que çà et un vraiment désagréable, de façon à lui faire ressentir toute la gamme des sensations qu’il a pu expérimenter au cours de toute son histoire personnelle. Une fois qu’il a bien observé tout ceci, je le réveillerais et lui poserais la question : « Voulez-vous continuer ce travail «  ? S’il veut continuer, alors je serais en mesure de le faire. S’il n’éprouve pas l’envie de poursuivre, j’induirais alors à nouveau une transe, je créerais l’amnésie pour ces événements qu’il vient de faire réémerger, et nous passerons ensuite à la redéfinition de nouveaux buts. Une fois, un thérapeute m’avait amené l’une de ses élèves, qui se disait désireuse de faire la lumière sur un point de son passé. Elle pensait avoir été violée par son frère aîné et l’un de ses copains alors qu’elle avait juste onze ans. Elle n’était pas certaine que cela se soit réellement déroulé et elle voulait savoir si c’était vrai ou non. Ma réponse fut alors : " Qu’est-ce que ça va changer pour vous de le savoir ? " Elle était incapable de me répondre -elle n’avait jamais envisagé le problème sous cet angle. Vous feriez bien de poser aussi cette question à votre client.

Janet : Je la lui ai posée et il me dit qu’il veut savoir, pour ne plus se sentir si bizarre quand il tombe sur quelqu’un qu’il devait connaître avant mais dont il ne se souvient absolument plus. J’ai le sentiment qu’il s’est fixé une tâche au-dessus de ses possibilités parce qu’en fait, il ne désire pas vraiment savoir.

C’était bien ma première impression aussi. Il vous fait la demande consciente de l’aider à retrouver son passé, aussi est-ce là le but que vous avez fixé, mais il a, parallèlement, de bonnes raisons de ne pas se souvenir.

Janet : Il a également effectué un séjour dans un hôpital militaire. Il est très fier qu’ils aient utilisé le Penthotal sur lui, sans aucun résultat ! Ils ont également essayé l’hypnose et cela s’est révélé inefficace pour l’aider à retrouver son passé. Tout ce dont il parvient à se souvenir, ce sont des détails extrêmement précis à propos de ce fameux jour où il s’est réveillé, contemplant l’intérieur du canon de ce fusil.

Je pense que je rechercherais ici ses méta-objectifs (but de la transformation).

« Vous voulez recouvrer la mémoire. Mais dans quel but ? »

- « De façon à savoir comment me comporter quand je rencontre des gens que j’ai connu dans le passé. J’ai besoin de savoir comment je dois alors me comporter. »

- « Oh, alors en fait, ce que vous désirez vraiment, ce n’est pas de retrouver la mémoire. Vous voulez trouver un manière élégante de vous en sortir lorsqu’il vous arrive de rencontrer des gens qui se réclament de votre passé ».

Une façon d’atteindre se but serait de lui enseigner un peu de l’art de noyer -adroitement- le poisson, un peu de « flou artistique » en quelque sorte. Du style : « Mon dieu, ça fait si longtemps... Où était-ce déjà ? « Quelques-unes de ses phrases de « remplissage « mondain qui lui amèneront comme sur un plateau et en douceur, tous les éléments dont il aura besoin pour fournir la réponse que l’on attend de lui. Lorsque vous rencontrez un conflit direct, à quelque niveau que cela soit, passez immédiatement au niveau suivant. Posez alors des questions concernant les objectifs de sa transformation. « Qu’allez vous gagner dans tout çà ? Quel dessein cela va-t-il vous permettre d’accomplir ? » Une fois que vous connaissez la réponse à cette question, vous êtes en mesure de lui offrir des alternatives nettement plus élégantes. Il abandonnera rapidement sa demande d’origine, ce parce que retrouver le souvenir de son passé ne lui sera plus, maintenant, d’aucune réelle utilité.

Janet : Autant que je puisse savoir, sa situation familiale continue à être vraiment abominable. J’ai également essayé de lui dire : « Bon, vous ne vous souvenez de rien du tout aussi, pourquoi n’irais-je pas trouver votre famille pour leur demander de vous raconter uniquement les bonnes choses qui vous sont arrivées dans le passé ? » Et bien sa famille n’a pas été capable de me raconter la moindre petite chose !

Une autre possibilité consisterait à le transformer en bon sujet hypnotique, du moins dans un but précis : créer à son usage une histoire personnelle convenable. Amenez-le à accepter d’utiliser l’hypnose, non pas pour retrouver la mémoire, mais à la simple fin de lui construire une nouvelle histoire personnelle qui lui convienne. Si votre propre histoire d’origine ne vous convient pas, et bien vous retournez au point de départ et vous vous en fabriquez un meilleure. Tout le monde devrait posséder plusieurs histoires !

Janet : Et comment vous pouvez faire çà ?

En direct. Vous pouvez très bien dire : « Ecoutez, vous êtes un type bourré de talent, mais vous ne savez pas d’où cela vous vient. D’où est-ce que vous souhaiteriez venir ? »

Janet : Ici, nous avons à faire à un agriculteur plutôt primaire.

Et bien ça rend les choses plus faciles. Les sujets les plus difficiles à manier sont, sans conteste, les psychothérapeutes profonds et sophistiqués, cela parce qu’ils ont la conviction qu’il est nécessaire de suivre et de comprendre pas à pas chaque détail de ce que vous êtes en train de faire. Ils possèdent de vilains esprits fouineurs. Dans son livre Uncommon therapy (Thérapie extra-ordinaire) Milton ERICKSON décrit un cas dans lequel il a fabriqué toute une série d’expériences passées pour une femme. Il a ainsi créé à son usage une histoire dans laquelle il apparaît en personne sous les traits de « L’homme de Février ». Ce cas d’école est une excellente source pour étudier structurellement la manière de créer des histoires personnelles de rechange.

Fred : La schizophrénie est-elle un autre cas de figure de dysharmonie séquentielle et de dissociation ?

Les gens pour lesquels le diagnostic est « schizophrénie », présentent généralement, certains aspects de leur personnalité très sévèrement dissociés. Quoi qu’il en soit, dans leur cas, la dissociation est généralement simultanée. Par exemple : un schizophrène entendra des voix et pensera que ces voix viennent de l’extérieur de lui. Les voix sont donc dissociées, mais les deux « parties « de la personne sont présentes en même temps.

Fred : OK, je vois. J’ai travaillé longtemps avec des schizophrènes. J’ai utilisé avec eux certaines de vos techniques, mais pas aussi précisément ni avec autant d’efficacité que je l’aurais souhaité. Quels ajustements spécifiques pourriez-vous suggérer dans le cas de sujets désignés comme « schizophrènes » ?

Vu la façon dont vous formulez votre question, j’en déduis que vous avez remarqué que certains des sujets que l’on a classifiés comme schizophrènes ne présentent pas les symptômes que d’autres montrent indiscutablement. Il y a deux différences fondamentales entre le travail avec des schizophrènes et le travail avec n’importe laquelle des personnes présentes dans cette salle.

L’une est que les personnes étiquetées comme schizophrènes vivent dans une réalité différente de celle que nous autres, ici présents, acceptons généralement comme telle. La réalité des schizophrènes est si différente de la notre que cela demande généralement une très grande flexibilité de la part du communicateur pour qu’il puisse y pénétrer et s’y accorder. Cette réalité diffère radicalement de celle à partir de laquelle les psychothérapeutes travaillent habituellement. Ainsi le résultat de l’approche et la réussite à établir le rapport constituent la première grande différence entre le travail avec un individu “lambda” et un autre désigné comme schizophrène. Pour parvenir à établir un rapport satisfaisant avec un schizophrène, il va vous falloir utiliser à fond toutes les techniques de synchronisation corporelle ainsi que celle de communication réactive (en miroir) tout en appréciant chacune des métaphores que le sujet schizophrène utilise pour vous décrire sa situation. N’omettez à aucun moment d’être extrêmement attentif à son langage non verbal unique. C’est une tâche particulièrement exigeante pour tout communicateur professionnel.

La seconde différence est que les schizophrènes -et tout particulièrement ceux qui sont à l’intérieur des institutions- sont habituellement placés sous camisole chimique. Cela constitue réellement la différence de travail la plus contraignante à laquelle vous aurez à faire face. C’est un peu comme d’avoir à travailler avec un alcoolique quand il est sous l’emprise de l’alcool. Il y a contradiction directe entre les impératifs organisationnels d’un service hospitalier de psychiatrie et les conditions nécessaires à l’efficacité du travail d’un psychothérapeute. Le traitement médicamenteux (la camisole chimique) est typiquement utilisée comme un outil qui permet la gestion facilitée d’un service dans un établissement. La pré-condition indispensable à tout travail de recadrage sur un patient est la possibilité d’avoir un accès aux parties de sa personnalité qui sont à l’origine des comportements que je cherche à modifier. De fait, je vais engager ces parties à m’apporter leur concours pour parvenir à effectuer les changements souhaités. S’il est sous médications, je patine sur place ! -Je ne peux pas m’adresser à la partie de lui-même dont je requiers l’assistance. Les symptômes extérieurs de sa maladie sont exprimés par la partie de la personne avec laquelle j’entends travailler. Et quoi qu’ils soient considérés comme appropriés dans le cadre d’un traitement hospitalier, ces médicaments effacent les symptômes et m’empêchent d’accéder à cette partie de la personne qui est celle qui m’intéresse. Travailler efficacement avec des gens qui sont sous traitement médicamenteux est une tâche ardue, c’est un défi. Je l’ai fait moi-même un bonne demi-douzaine de fois, mais j’avoue que je n’aime pas particulièrement ça. Le médicament est en lui-même un ancrage particulièrement puissant et un obstacle à tout changement.

D’ailleurs, laissez-moi vous raconter une courte histoire d’horreur : Un jeune homme se promenait tout tranquillement dans une rue d’une grande ville, il sortait d’une soirée. C’était un étudiant de l’université locale. A cette soirée, il avait tiré sur un ou deux joints et bu un peu d’alcool. Il se baladait tout simplement. Il n’était absolument pas saoul quoiqu’indéniablement pas vraiment sobre. Il devait être aux alentours de trois heures du matin quand il fut ramassé par un car de flics et emmené au poste sous la charge d’avoir été trouvé en état d’ivresse sur la voie publique. Là, on lui prit ses empreintes digitales et on effectua des recherches à son sujet. Il ressortit de cette enquête que ce jeune homme avait, quelques années auparavant, effectué un séjour dans un hôpital psychiatrique de l’état. Lors de son séjour dans cet hôpital il avait été déclaré schizophrène, mais à l’époque, il avait eu la chance de tomber sur un psychiatre qui se trouvait être un excellent communicateur. Après que ce psychiatre ait achevé son travail avec ce jeune homme, celui-ci avait changé de comportement, avait été relâché, et depuis il réussissait dans ses études de façon plus qu’honorable. Il se portait à merveille depuis déjà plusieurs années.

Quand les policiers découvrirent cette histoire « d’altération mentale », ils décidèrent d’emblée que son comportement présent n’était dû ni à l’alcool, ni à la prise de drogue mais qu’il était bel et bien le résultat d’une « rechute » psychotique. Aussi, ils le renvoyèrent immédiatement à hôpital psychiatrique de cet Etat. On le remit alors, exactement dans le même service, où il avait été interné et on lui administra immédiatement le traitement qu’il avait eu auparavant. Devinez donc ce qui arriva ? Il redevint le schizophrène qu’il avait été. On l’avait soigneusement « ré-ancré » dans son comportement de malade. Ce type de danger est la raison pour laquelle j’insiste tout particulièrement sur la nécessité de tester l’efficacité de notre travail avec un alcoolique en l’exposant à l’ancrage chimique qui induisait auparavant la dissociation -c’est-à-dire en le mettant en présence d’alcool. Alors, vous devez être capable de voir si le fait de tenir un verre d’alcool à la main amène ou non une modification radicale d’état -que ce soit un changement de rythme respiratoire ou une altération de la couleur de la peau, ou toute autre indication non verbale d’un changement d’état interne. Si vous notez une quelconque modification à ce moment précis, c’est que le travail de réintégration n’a pas vraiment fonctionné ; il vous faut alors le recommencer.

Si vous relevez le défi de travailler avec des schizophrènes qui se trouvent internés, vous pouvez, du moins, vous rendre le travail beaucoup plus confortable si vous parvenez à passer une sorte de marché avec la personne, responsable des médicaments dans le service. Etre efficace en un temps raisonnable va dépendre de votre faculté à travailler avec les gens pendant la période où ils ne sont pas sous l’emprise de la camisole chimique, ou bien sur votre capacité à établir des états dissociés sous hypnose, états dans lesquels ils sont essentiellement indépendants de cette camisole chimique. Tout ce type de travail est vraiment extrêmement difficile ; encore une fois c’est un véritable défi !

A suivre...

d’après Richard BANDLER et John GRINDER.

Traduction de Marianne STRAGAND

Extrait de Reframing- Neuro-Linguist. Programming and the transformation of meaning by Richard BANDLER and John GRINDER. Copyright 1982 Ed. Real People Press by Steve and Connirae ANDREAS..

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