Recadrage des états dissociés, alcoolisme, toxicomanie... 3

Dans cet article paru en français dans le numéro 21 de LA TEMPERANCE, John GRINDER et Richard BANDLER exposent la manière d’effectuer un recadrage chez les personnes souffrant d’état de sévére dissociation. Initialement publié dans le livre "Reframing" ce passage met l’accent sur une manière tout à fait originale d’aborder les problèmes d’alcoolisme et de toxicomanie. Nous touchons là à une partie extrêmement néconnue du travail des deux fondateurs de la PNL.

Ce texte est le troisième d’une série d’articles parus dans les numéros 19 à 23 de LA TEMPERANCE. Il est reproduit ici dans son intégralité tel qu’il a été publié en octobre 1996.

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Intervenante : D’après ce que vous nous avez dit, nous pouvons déduire que les alcooliques et les toxicomanes sont très dissociés et nous sommes également avertis que certaines personnes qui fument ou mangent de manière excessive présentent des dissociations séquentielles. Existe-t-il d’autres indicateurs de dissociations séquentielles ?

Je ne connais pas de méthode infaillible pour détecter les dissociations séquentielles mais il existe certains marqueurs que vous pouvez rechercher. Il m’est arrivé d’effectuer ce que je pensais être du bon travail et de m’apercevoir qu’en fait ça ne fonctionnait pas du tout parce que je n’avais pas su détecter les dissociations séquentielles. Dans ces cas de « personnalités presque multiples », parfois vous avez l’impression que tout ce que vous avez fait fonctionne de façon impeccable. Vous obtenez toutes les réponses que vous attendiez, vous testez, vous effectuez le pont avec le futur, tout est en ordre donc. Puis, le client quitte votre cabinet et lorsqu’il revient, la semaine suivante, il se souvient à peine de ce qui s’est passé au cours de sa séance précédente et est dans l’incapacité de dire, en conséquence, si quoi que ce soit a marché ou non. Quoi qu’il en soit, vous, vous pouvez vous dire que votre travail à été parfaitement inutile et inefficace. Si le problème dont il s’agit était le tabagisme ou l’obésité, le résultat est absolument évident.

Quand ce genre de chose arrive, vous pouvez d’emblée suspecter une dissociation séquentielle. La politique que je suis, pour arriver à identifier ceci, consiste à observer, sur un certain laps de temps, des modifications significatives dans le comportement d’un client. Lorsqu’une personne boulimique vous dit des choses du genre : « Je me suis retrouvée en train de contempler une pile d’os de poulets et c’était comme si je venais de me réveiller », vous avez là une indication claire de dissociation séquentielle. Parfois, vous pouvez le soupçonner si le comportement d’un client vous semble très étrange ou si votre travail avance vraiment trop facilement.

Quand je soupçonne une dissociation séquentielle, il m’arrive d’utiliser les états de conscience modifiée pour procéder à certains tests. Par exemple, j’ai rencontré le cas d’une femme qui présentait une paralysie d’une jambe, d’origine hystérique. Elle est donc venue me voir, nous avons procédé à un recadrage et hop là ! sa jambe n’était plus paralysée du tout. Je l’ai immédiatement re-paralysée ce qui fait qu’elle était furieuse contre moi. : « Ma jambe bougeait et maintenant elle est à nouveau immobile. Pourquoi m’avez-vous fait ça ? » Je lui répondis « Cela a été trop facile. Je sais que cela reviendrait d’une manière ou d’une autre, à un moment donné, dans le futur ».

Sans quitter de fait l’espace-temps de mon cabinet, je lui fis alors expérimenter intérieurement différents contextes de sa vie. Son mode de vie était plutôt limité. Elle sortait pour se rendre soit à l’hôpital, soit chez le médecin et passait le reste de son temps à la maison. La partie d’elle-même qui avait des objections à ce que sa jambe fonctionne resurgissait quand elle était à la maison et j’étais plutôt d’accord avec les motivations de cette partie-ci. Cette partie désirait que son mari prenne sa part des tâches ménagères et de l’organisation de la maison. A la base, son mari faisait partie de ces hommes « vieux-jeu » qui ont pour principe : « le travail ménager est l’affaire des femmes . L’homme, lui, travaille au dehors et rapporte de l’argent à la maison ». C’était, en fait, une situation très spéciale : Elle était riche, aussi n’avait-il aucunement besoin d’aller gagner leur vie en travaillant au dehors. Ce qui ne l’empêchait pas de considérer que les tâches ménagères lui incombaient entièrement. Si elle refusait, il la tabassait. Bien sûr, tant qu’elle avait sa jambe paralysée, il devait faire les choses à sa place. Avant de soigner cette paralysie, il importait donc d’agir pour résoudre ce problème-là. Autrement, si elle était rentrée chez elle guérie, rien ne se serait plus opposé à ce qu’elle se retrouve à tout faire elle-même !

Mary : Et alors, qu’avez vous fait ?

J’ ai travaillé à changer le mari. Nous l’avons engagé dans un « programme de réhabilitation assistée » pour sa femme. Je me suis arrangé pour réaliser une légère amélioration de sa paralysie lorsque je l’ai reconduite chez elle. Nous avons expliqué au mari que « pour assurer la réussite du programme de réhabilitation » et donc la guérison complète, il allait lui falloir de la persévérance. Elle pouvait faire certaines choses dès à présent, mais il importait qu’il l’empêche d’en faire plus que ce qui était permis, faute de quoi, une rechute serait inévitable. Et, bien entendu, ce programme allait prendre des années avant que la guérison ne soit effective ». Essayer d’amener cette femme à coopérer avec son mari était une tâche trop importante pour être menée à bien en une seule fois. Je veux que vous réfléchissiez au résultat de ce problème en termes de morcellement. La question que je pose est : « Quelle est la plus grande partie de ce problème que je puisse résoudre convenablement et rapidement ? » Va-t-il s’agir ici de ré-ancrer tout simplement ou bien est-ce qu’il va falloir mettre en oeuvre quelque chose de plus complexe ? Je vais commencer par la plus petite chose que je puisse réaliser sans aucun problème, je construirai la suite à partir du résultat que j’aurai obtenu à ce moment .

Intervenant : Donc, si je comprends bien, vous introduisez un changement minime à l’intérieur du système, vous attendez d’en percevoir le retour d’effet, vous accomplissez alors un autre changement minime lui aussi, et vous continuez de la sorte mais en accroissant la taille du « morceau » de changement apporté au fur et à mesure, suivant les possibilités que vous avez.

Oui. J’ai rencontré une autre femme comme celle-là qui présentait les symptômes les plus caractéristiques et fondamentaux de l’hystérie. Les deux avaient été coulées dans le même moule. L’une avait un pied bancal et l’autre une jambe paralysée. Les deux étaient dotées de maris italiens. Je suis bien convaincu que tout les maris italiens ne sont pas pareils à ces deux-là, mais ces derniers appartenaient également à ce type d’Italiens extrêmement traditionalistes et tous deux avaient épousé des non-Italiennes. Ces deux hommes étaient imprégnés de leur système culturel de croyances, qui n’était pas compatible avec celui de leur femme, c’est-à-dire la culture américaine.

Laissez-moi vous donner un autre exemple de dissociation séquentielle dans lequel j’ai utilisé une approche tout à fait différente. Je n’utilise pas toujours la superposition d’ancrages pour pratiquer ensuite une réintégration complète. Il existe d’autres manières de traiter les dissociations séquentielles. Un psychiatre de mes amis avait une secrétaire maniaco-dépressive type. On pouvait presque prédire le jour de l’année où elle allait « disjoncter ». Pendant six mois, on avait la partie positive pour laquelle tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes : elle perdait du poids, elle devenait vraiment attirante, vibrante, tout son travail était fait et bien fait. Puis, le 31 juillet, soudainement, l’autre partie faisait surface. Elle se mettait à re-grossir, devenait dépressive, incompétente et ainsi de suite... Cela faisait douze ans que cette situation s’éternisait lorsque je fis la rencontre de ce psychiatre. Il était trop fasciné pour vouloir la licencier, même si, pendant six mois de l’année, elle se révélait totalement incompétente. Il savait qu’à une date donnée de l’année, tout allait basculer et qu’elle allait tout reprendre en main et rattraper ce qu’elle n’avait pas fait pendant les six mois précédents.

Ce qu’il y avait de fascinant lorsque j’ai travaillé avec elle, quelle que soit la partie d’elle même avec laquelle j’ai travaillé, ou ce que j’ai pu changer, ou ce qu’elle a pu apprendre - même des choses du style apprendre à taper sur une machine munie d’un clavier à configuration différente - lorsque cette partie disparaissait pour laisser place à l’autre, rien n’était transféré. Elle était presque deux personnes distinctes, bien qu’elle n’ait pas été véritablement parmi ceux que l’on classe comme « à personnalités multiples ». Dans chacun de ses états, elle se souvenait de l’autre état : Elle se souvenait où elle habitait et se souvenait de la plupart des choses qui se passaient quand elle était dans l’autre état. Mais les acquis et les changements personnels ne faisaient pas le transfert aller-retour. Aussi, bien sûr, la moitié « positive » d’elle-même sortait, faisait des tas de choses et la moitié « négative » rentrait chez elle et se terrait. L’une des deux moitiés allait en s’accomplissant et en ayant de plus en plus confiance en elle-même et l’autre elle, était de plus en plus dépressive et de moins en moins compétente. Lorsque vous rencontrez des gens comme çà, l’une des choses qu’il faut que vous réalisiez d’une manière ou d’une autre - et peu importe ce que vous pourrez faire à côté - c’est la réintégration de ces deux parties. Mais, pour parvenir à cette réintégration, il va vous falloir les avoir ensemble sous la main, simultanément. Ce n’est pas un exercice aisé car celle qui n’est pas là, en face de vous peut être difficile à atteindre. Vous pourriez ancrer l’une, attendre six mois et ancrer ensuite l’autre lorsqu’elle apparaîtra... Si vous avez des ancrages vraiment puissants, vous devriez alors être en mesure de les superposer à ce moment-là.

J’ai utilisé, dans un cas de ce type, une approche spécifique, la « pseudo-orientation dans le temps » grâce à laquelle j’ai obtenu des résultats vraiment excellents. C’est un procédé d’hypnose par lequel vous allez projeter votre client dans le futur pendant des épisodes hypnotiques dont la durée va croissant subjectivement. Grâce à cet outil par exemple, j’ai fait se réveiller ma cliente avec la conviction que nous en étions , non pas à sa seconde visite, mais à sa seizième . Nous sommes donc trois mois plus tard, et vous pouvez alors lui poser des questions concernant le passé. La « pseudo-orientation dans le temps » est une façon particulièrement élégante d’amener votre cliente à vous en apprendre sur sa thérapie... Vous l’induisez en hypnose et lui suggérez que vous l’avez soignée et guérie, dans un instant, quand elle va se réveiller vous serez alors au mois d’août. Elle viendra pour sa dernière séance et aura été d’accord pour vous fournir quelques exemples, à titre documentaire, de ce qui s’est passé pour elle et de la manière dont tous ces changements sont arrivés.

Alors, vous la faites sortir de sa transe et vous vous exclamez : « Comment allez-vous ? » Et elle de répondre :« Oh ! maintenant, tout va bien ». Alors vous ajoutez : « Ma mémoire est abominable, pourriez vous me rappeler ce que j’ai fait exactement, ce qui vous a, vraiment, tout particulièrement amenée à cette transformation ? » Votre cliente va alors vous raconter des trucs fantastiques que vous allez pouvoir utiliser à l’avenir ! Un maximum des outils que nous enseignons dans nos ateliers nous a ainsi été amené lors de travaux de « pseudo-orientation dans le temps ».

Cela demande soit de très bons sujets pour l’hypnose, soit un entraînement rigoureux pour en arriver à un tel résultat. C’est un phénomène de transe complexe. Bien sûr, une fois que vous êtes habitués à cette pratique, elle ne vous semble plus du tout difficile.

Une autre de mes pratiques est de déterminer un signal particulier pour chacun des différents états. J’essaie de détecter où se situent les polarités. Si elles sont temporelles, alors je place des signaux correspondant aux différentes zones de temps. D’autres sont contextuelles : Certaines personnes présentent des polarités séquentielles, variant suivant qu’elles sont sur leur lieu de travail ou à la maison par exemple. Certaines encore, changent radicalement entre les vacances et la vie de tous les jours, pendant le reste de l’année. Si j’ai à faire à un utilisateur de substances toxiques, alors, bien sûr, je vais poser un ancrage qui amènera à l’état que produit l’usage de cette substance.

Lorsque j’ai obtenu de bons ancrages pour les deux parties, je peux pratiquement continuer une conversation avec chacune des deux parties par séquences. Avec cette femme maniaco-dépressive dont je vous ai parlé tout à l’heure, j’avais des ancrages pour une visite en juillet et pour une autre en décembre. Je posais mes ancrages sans me dissimuler ; ouvertement sous hypnose : « Quand je vous touche le genou, nous serons en juillet ». De cette manière je pouvais tranquillement faire l’aller-retour entre les deux parties et travailler avec les deux ensemble. Aussi, quand j’ai effectué le recadrage, j’ai induit un état puis j’ai dit : « maintenant allez demander à la partie de vous-même... » J’ai ensuite induit l’autre état et j’ai procédé de la même manière. C’était comme effectuer un recadrage sur deux personnes en même temps.

J’avais l’habitude d’animer des groupes dans lesquels je guidais dix à quinze personnes. Je me baladais dans la salle et j’utilisais alors le processus de recadrage en six étapes classique. La première semaine je le faisais toujours avec la forme et le contenu. La semaine suivante, lorsqu’elles revenaient, je pouvais me contenter de le faire formellement. Je leur faisais choisir quelque chose de significatif dont elles pourraient discuter, de façon à m’assurer qu’elles étaient capables de différencier une intention d’un comportement et ainsi de suite, et je continuais à tourner dans la pièce tout en étant leur médiateur alors qu’elles franchissaient une à une toutes les étapes en même temps.

Intervenant : Mais les deux parties de cette femme maniaco-dépressive se trouvaient dans une seule et même personne. Comment arrivez-vous à les recadrer de façon à ce qu’elles en arrivent à des conclusions identiques ? Lorsque vous êtes face à des dissociations séquentielles - quelqu’un qui s’affame comme un malade puis qui regrossit démesurément - C’est, de fait, seulement une dissociation au niveau du « contenu ». Au niveau formel, les deux parties sont identiques. Les deux sont de nature obsessionnelle et les deux sont totalement incontrôlées. L’une dit : « je vais m’affamer », l’autre « je vais avaler tout ce qui me tombe sous la main ». Au niveau du contenu, elles sont opposées, mais au niveau de la forme, elles sont exactement semblables. Ce type de personne ne suit pas une diète intelligente. Elles ne construisent pas un programme constitué d’étapes progressives et échelonnées dans le temps. C’est toujours soit s’affamer soit s’empiffrer. Si vous leur offriez la possibilité d’être anorexique, elles sauteraient dessus ! La solution doit prendre en considération la partie qui mange trop et lui proposer une autre manière d’obtenir ce qu’elle désire, ce qui revient en fait à être capable de manger avec modération. Quant à la partie qui s’affame, elle a aussi besoin d’être recadrée faute de quoi, si vous avez recadré la partie qui dévore, la partie du jeûne se dira : « super... voilà ma chance ! » et elle deviendra folle, ce qui vous amènera un retour de manivelle dans l’autre sens.

Après avoir achevé mon travail sur les deux parties que possède quelqu’un qui souffre de dissociation séquentielle, je construis, en général, une partie dont le travail est d’intégrer ces deux états, ou bien alors je mets au point une sorte de programme inconscient qui va les fondre ensemble au moment où ils vont être activés. Avec la secrétaire, le rythme de succession des deux parties était de six mois, aussi, je n’ai pas opéré de cette façon parce que cela m’aurait alors pris des années pour parvenir au but. J’ai opté, dans son cas précis, pour une distorsion du temps : je suis allé dans son passé et j’y ai installé un programme de « réintégration » (c’est-à-dire rendre entière une personnalité composée de deux parties distinctes et antagonistes) qui avait démarré cinq ans auparavant et qui parvenait à son terme à la date même où elle se trouvait présente dans mon cabinet.

Cela ne m’a pas pris longtemps à réaliser, car toute personne dissociée est, par essence, un sujet prédisposé à l’hypnose. De fait, elle l’était, autrement elle n’aurait pas pu être aussi dissociée dans la vie. J’ai donc effectué une induction hypnotique et je me suis introduit dans son passé sous les traits d’une autre personne, un quelconque psychanalyste qu’elle avait rencontré cinq ans auparavant. En tant que ce psy, j’ai installé le programme de réintégration dans son inconscient, et je l’ai ensuite amenée à créer toutes les modifications nécessaires dans son histoire personnelle de manière à ce qu’elle puisse conclure cette réintégration tout naturellement là, dans mon cabinet, cinq ans plus tard. Parfois, quand vous voulez mettre en place ce genre de dispositif, il vous faut inventer toute une quantité d’histoires personnelles.

A suivre...**

d’après Richard BANDLER et John GRINDER

Traduction de Marianne STRAGAND

Extrait de Reframing- Neuro-Linguist. Programming and the transformation of meaning by Richard BANDLER and John GRINDER. Copyright 1982 Ed. Real People Press by Steve and Connirae ANDREAS..

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